Justice en friche cherche second souffle
Le 22 mai dernier, la FGTB Bruxelles organisait son conseil syndical (journée d’information à destination des délégués FGTB) sur le thème de la justice et de la faillite de l’état de droit.
La première partie de la matinée était consacrée à la lutte contre la délinquance financière avec en invité Michel Claise, juge d’instruction. Fait rare dans des conseils généralement animés : un silence pesant s’installait au fur et à mesure du récit du juge, les délégués présents ne s’imaginant pas l’ampleur du phénomène.
Michel Claise évoquera tour à tour le carrousel TVA , le blanchiment des revenus liés à la drogue, une cybercriminalité hors de contrôle, la contrefaçon, la traite des êtres humains, en allant jusqu’au terrorisme. Pour Michel Claise, le constat est clair : « l’entreprise illicite domine le monde ». Si les lois et institutions internationales existent, en Belgique, c’est surtout le manque de moyens mais aussi de volonté politique qui empêchent le travail judiciaire. Avec des chiffres éloquents : rien que sur l’arrondissement Bruxelles-Halle-Vilvorde, près de 20000 dossiers financiers par an sont classés sans suite faute de moyens…
Des droits syndicaux en recul
Au tour de Lies Michielsen (Progress Lawyers Network) de présenter les difficultés croissantes à faire valoir les droits syndicaux : dans le viseur, l’atteinte fondamentale portée au droit de grève avec la mise en place du service minimum, mais également la criminalisation des actions sociales et l’arrestation de leaders syndicaux, comme ce fut le cas avec le président de la FGTB Anvers en 2016. Dans un autre registre, la loi Peeters de flexibilisation du marché du travail et la multiplication des statuts compliquent également la défense de travailleurs : désolidarisés et isolés dans une justice compliquée, ceux-ci réfléchissent désormais à deux fois avant de se battre pour faire valoir leurs droits.
Face aux attaques, il est nécessaire d’agir. Mais comment ? Pour conclure la matinée sur une note militante, Manuella Cadelli, magistrate, est venue raconter son combat contre l’infiltration des pratiques néolibérales dans la justice. Pour la magistrate, il est primordial de communiquer, de réexpliquer les valeurs fondamentales de la justice, et surtout de démonter ce qui se cache derrière les termes attrayants (« gestion autonome », « responsabilisation »,etc.) utilisés pour adoucir l’inacceptable. Avec la nécessité de jeter des ponts entre le milieu syndical et judiciaire, de faire converger les luttes pour résister et inverser le rapport de force. Nul doute que son appel aura été entendu : les militants de la FGTB Bruxelles, attentifs et fortement interpellés par les propos des différents intervenants, marquaient une volonté unanime de faire front contre les atteintes portées à la justice. Cette rencontre entre deux mondes (syndical et judiciaire) pas spécialement habitués à se côtoyer sera prolongée par d’autres rendez-vous dans les mois qui viennent.