Vers un label « Fisc Friendly » pour les PME ?
Stop à l’indécence !
Au début de l’été, l’Union des Classes Moyennes, par la voie de son nouveau Président, Pierre-Frédéric NYST, présentait un plan de relance et d’investissements pour les indépendants et les chefs d’entreprise. Au menu, entre autres, une proposition de réforme de l’impôt des sociétés visant les entreprises de moins de 50 travailleurs (avec la revendication d’un passage de 34 à 20% de ladite fiscalité) et, passée plus inaperçue, la création…d’un label « Fisc Friendly » pour les Petites et Moyennes Entreprises. Objectif : permettre aux entreprises répondant à une série de critères -comme la solvabilité financière ou encore l’absence de procédure de réorganisation judicaire – d’échapper à tout contrôle fiscal durant cinq années !
La motivation est double : 1) la volonté de prémunir les gérants de PME de ces contrôles – ceux-ci étant « insécurisants et mal vécus » – et 2) le souhait – empreint de bienveillance – « de pouvoir libérer du temps au sein de l’administration fiscale pour rechercher des plus gros poissons, qui échappent aux contrôles ».
Aujourd’hui, les décisions de contrôle fiscal sont générées de façon « aléatoire » (par un programme de ‘datamining’ basé sur une série de critères, il est vrai, complexes). Ces contrôles ne sont donc en aucun cas motivés par un « acharnement » de l’administration à l’égard des PME. Juste par un souci bien légitime : celui de faire respecter la loi.
La proposition de l’UCM – et la légèreté des justificatifs qui l’accompagnent – illustre une nouvelle fois toute l’hypocrisie de certains représentants patronaux qui plaident avec force – notamment au sein des instances d’avis, de gestion ou de concertation où ils siègent – pour des contrôles lourds (et des sanctions exemplaires) visant les demandeurs d’emploi (leur disponibilité sur le marché du travail, leurs fraudes sociales, le cas échéant) mais font preuve d’une allergie maladive dès qu’il s’agit de contrôler / sanctionner leurs structures. Ce « deux poids, deux mesures » du monde patronal est proprement inacceptable. On peut d’ailleurs l’interpréter comme une sorte de nostalgie de l’époque du ‘livret ouvrier’, lorsqu’en matière de paiement du salaire, l’employeur était systématiquement cru sur son affirmation et qu’incombait au salarié la charge de la preuve contraire : ainsi en disposait l’article 1781 du Code civil français jusqu’en 1868, année de sa suppression[1]…
Ce comportement décomplexé est toutefois soutenu par un gouvernement fédéral soucieux d’intensifier le contrôle social…aux dépens du contrôle fiscal. En témoigne, notamment, la volonté du gouvernement Michel de ne pas remplacer systématiquement les contrôleurs fiscaux partant à la retraite. Pour mémoire, entre 2006 et 2017, près de 8.400 emplois ont disparu au sein de l’administration des finances belge (soit 27% des effectifs) …
La fiscalité est et demeure un instrument essentiel pour permettre la mise en place d’une société plus égalitaire. A ce titre, la FGTB plaide et continuera de plaider :
- pour que les moyens utiles et nécessaires soient octroyés à l’Administration fiscale en vue de réaliser sa mission (l’objectif n’est pas – comme proposé par l’UCM – d’adapter la mission de l’Administration fiscale à ses moyens en soustrayant aux contrôles certains types de structure mais justement l’inverse…) ;
- pour que les petites et moyennes entreprises acceptent une présence syndicale en leur sein.
Philippe VAN MUYLDER,
Secrétaire général de la FGTB Bruxelles
[1] « Le maître est cru sur son affirmation pour la quotité des gages, pour le paiement du salaire de l’année échue et pour les à comptes donnés pour l’année courante ».