Travailleurs sans papiers : une carte blanche
Depuis plus d’un mois, 470 personnes sans documents officiels font une grève de la faim à Bruxelles, au Béguinage, à la VUB et à l’ULB. Le Secrétaire d’Etat à l’Asile et à la Migration, Sammy Mahdi, ne veut pas répondre à leur demande de critères de régularisation clairs et transparents. Ce n’est pas possible, dit-il, car cela reviendrait à ouvrir de nouvelles voies de migration. Cependant, de nombreux sans-papiers travaillent dans des métiers en pénurie et la migration pour travailler dans des métiers en pénurie en Belgique est effectivement une filière existante.
Les employeurs de Bruxelles, mais aussi de Flandre et de Wallonie, recherchent désormais désespérément des électriciens, des plombiers, des boulangers, des bouchers, des tailleurs de pierre, des chauffeurs de camion, des infirmières, etc. La crise coronaire a ajouté des pénuries aiguës à des secteurs qui étaient déjà confrontés à des pénuries structurelles de main-d’œuvre. La procédure du permis « unique », version améliorée de l’ancienne carte de travail B, permet de répondre à ces besoins. Il vise à permettre aux employeurs de recruter des personnes à l’étranger (y compris dans des pays tiers comme le Maroc, la Tunisie et l’Algérie) et de les faire venir en Belgique pour exercer ces professions.
Les personnes pour lesquelles une demande pour ce permis « unique » est introduite – par un employeur – doivent, selon la procédure actuelle, passer par un certain nombre de démarches administratives dans le pays d’origine. Sont exclus ceux qui se trouvent déjà sur le territoire belge sans titre de séjour valable. Une partie importante d’entre eux pourrait néanmoins répondre aux pénuries sur notre marché du travail. Ils ont l’expérience, les compétences et parfois même les certificats et diplômes belges nécessaires pour travailler ici dans des métiers en pénurie.
Retourner dans leur pays d’origine pour demander un permis n’est pas quelque chose que les sans-papiers attendent avec impatience. Dans la pratique, cela ne se produit pas. Ces personnes ont souvent passé une grande partie de leur vie en Belgique, y ont fait leurs études et y sont parfois même nées. Leurs enfants vont à l’école ici. Souvent, leurs parents, frères et sœurs vivent ici avec des documents. Être séparés d’eux et laisser derrière eux la vie qu’ils ont construite en Belgique n’est pas une option pour eux.
Bientôt, 30 millions d’euros seront investis dans la formation aux métiers en tension dans les pays d’Afrique du Nord, dans l’espoir d’en faire venir certains en Belgique. Cela illustre à quel point les personnes qui peuvent travailler dans des métiers en pénurie sont précieuses pour nous. Une enquête menée auprès de 200 personnes sans papiers dans l’église du Béguinage a montré que deux tiers d’entre elles travaillaient ici – au noir – dans des métiers en pénurie. Si nous renvoyons ces personnes par la force, cela nous coûtera facilement plusieurs milliers d’euros par personne. S’ils restent ici de facto, sans pouvoir travailler légalement, ils se retrouveront une fois de plus dans l’économie souterraine, où ils seront exploités. Avec une rémunération de 3 à 4 euros par heure, ils sont en concurrence avec ceux qui travaillent légalement dans les mêmes secteurs. Les employeurs doivent eux aussi faire face à une concurrence féroce de la part d’entreprises malhonnêtes.
Nous, fédérations d’employeurs et syndicats demandons que les personnes sans papiers aient accès au permis « unique », afin qu’elles puissent entrer dans une procédure pour travailler dans des métiers en pénurie et ce depuis la Belgique. C’est un changement de loi qui a déjà été proposé par SERV (le conseil socio-économique de la Flandre) en 2017 et qui mérite d’ être discuté, même sans grève de la faim. Sur le plan juridique, tant le niveau fédéral que les régions doivent donner leur accord. Les ministres du travail bruxellois et wallon sont déjà favorables à l’idée. L’accord de coalition fédéral prévoit également que la réglementation entourant le permis « unique » sera adaptée, « en concertation avec les régions et les partenaires sociaux, pour répondre aux besoins du marché du travail. » Une solution semble donc à portée de main. Qu’est-ce qu’on attend ?
Signataires
- Olivier Willocx (CEO de Beci)
- Jan De Brabanter (Beci, membre du comité de gestion d’Actiris)
- Bruno Gérard (membre du comité de gestion d’Actiris)
- Michel Croisé (voorzitter van Sodexo België Luxemburg)
- Anne Léonard (ACV / CSC, Nationaal secretaris)
- Paul Palsterman (ACV/CSC Brussel, secrétaire général bruxellois, membre du comité de gestion d’Actiris)
- Estelle Ceulemans (secrétaire générale FGTB Bruxelles)
- Michel Kutendakana